Crédit photo : eole99

Le débat public sur le prolongement du RER E à l’ouest, avec comme investissement principal un nouveau tunnel de St Lazare à La Défense, est ouvert jusqu’au 16 décembre. L’AUT a pris position sous forme de cahier d’acteur reproduit ci-dessous.

L’AUT se réjouit de voir enfin relancée la 2ème phase du projet EOLE (Est Ouest liaison Express) qui était en sommeil depuis plus de 10 ans. L’AUT approuve les grands principes du projet et ses objectifs : maillage du réseau régional, décharge du RER A et de la gare Saint-Lazare et amélioration de la desserte de Seine Aval. Cependant plusieurs sujets méritent d’être approfondis pour garantir le succès de l’opération et pour que tous les usagers soient gagnants.


Tracés et gares

L’AUT est favorable au tracé incluant une gare à Porte Maillot. Cette gare desservant le Palais des Congrès, contribuera à la décharge de la ligne 1 du métro et rendra plus attractif le RER C dans un secteur dont la desserte devra être renforcée parallèlement.

Concernant la gare à La Défense, l’emplacement sous le CNIT comporte certains avantages mais aussi des risques. La saturation des accès et couloirs souterrains, déjà synonyme de bousculades, risque de créer une situation ingérable si on concentre tous les flux au même endroit dans un absurde « Coeur Transport ». Ce choix doit aussi prendre en compte l’emplacement de la station pour la future rocade métro.

L’AUT ne considère pas pertinente la gare sous le boulevard circulaire, par contre, nous avons ajouté à notre comparatif une gare possible sous le centre commercial Elysée Défense. Le gros œuvre inutilisé existe déjà sur plus de 400m. Cette situation, proche de Coeur Transport, impose néanmoins de faire passer le tunnel du RER E par deux fois sous celui du RER A. Cette contrainte de superposition de tunnel, fréquemment rencontrées dans les réseaux souterrains, impose de creuser le tunnel du RER E plus profondément que celui du RER A.


Dessertes nouvelles

L’AUT comprend le principe d’exploitation en recouvrement qui permet de limiter la longueur des missions et donc la propagation des perturbations, tout en imposant une correspondance à un faible nombre d’usagers. Si du coté de La Folie, terminus ouest des missions EOLE EST, la place ne manque pas pour y stationner et y retourner les trains, nous nous interrogeons sur les terminus est des missions EOLE OUEST. Les retournements se feront-ils en gare ? sur voies spécifiques de garage ? à Magenta ? à Evangile ? et pourquoi pas à Pantin, gare qui dispose d’espace et est située au cœur d’une zone en pleine évolution ?

La suppression de l’arrêt à Houilles-Carrières dégraderait significativement le service rendu aux usagers. Actuellement assuré par la ligne du faisceau St Lazare, cet arrêt ne sera pas assuré par le RER E prolongé à l’ouest, ni compensé par un arrêt à Sartrouville où arrivera la tangentielle Nord, ni encore par des trains supplémentaires du RER A. Ces suppressions posent problème, notamment parce que cela limitera la décharge du RER A dans sa partie ouest. Si une telle impossibilité technique est confirmée, cela accrédite l’idée que la saturation des voies dans ce secteur restera très forte et l’on peut craindre de conserver une exploitation très fragile où le moindre retard d’un train provoque un effet « boule de neige ».

Les évolutions du RER E actuel

La ligne actuelle du RER E, même si son fonctionnement est meilleur que celui d’autres lignes franciliennes, nécessite des adaptations pour prendre en compte les évolutions prévisibles de sa fréquentation. Un véritable schéma directeur de ligne doit être mis à l’étude sans tarder. Parmi les besoins à satisfaire, on peut citer à court /moyen terme : la prolongation de la période de pointe du soir, la conversion nécessaire de certains trains courts en trains longs, le renforcement de la desserte de certaines gares de proche banlieue. A plus long terme, la nécessité de rajouter des trains en heure de pointe, notamment sur les missions Tournan qui n’ont déjà presque plus de réserve de capacité. Cela pose la question de la saturation du pont de Nogent et de la possibilité d’y faire face par un système de signalisation plus performant.

Prévisions de trafic et aménagement régional :

Sur les 10 dernières années le trafic du réseau ferré francilien a augmenté en moyenne de 2% par an. Cette évolution n’avait pas été anticipée par les pouvoirs publics et les exploitants. D’où la situation critique du RER A, pour lequel nous avons demandé avec force en 2008 la généralisation des rames à deux niveaux afin d’offrir rapidement un début de solution.
EOLE à l’ouest constitue une réponse à moyen terme, cependant, comme indiqué par les maîtres d’ouvrage, la désaturation attendue du RER A sera de l’ordre de 10 à 15% du trafic actuel entre Châtelet-Les-Halles et Auber. Or cette décharge compenserait tout juste la hausse du nombre de voyageurs sur ce tronçon qui résulterait d’ici à 2020 des nouveaux bureaux programmés sur La Défense Seine Arche ! Autrement dit, la décharge du RER A pourrait bien n’être que modeste et très provisoire. Cela renvoie à une problématique plus large d’aménagement régional et de rééquilibrage des zones d’emploi. L’AUT demande donc que soit revu à la baisse le programme de développement exponentiel de bureaux sur La Défense Seine Arche et que davantage de logements soient proposés dans ce secteur pour limiter le déséquilibre emploi / habitat.


Matériel roulant :

L‘AUT est favorable à l’achat d’un matériel neuf à 2 niveaux permettant d’exploiter l’ensemble de la future ligne E prolongée. Il devra être silencieux et accessible de plain-pied. Le matériel MI2N actuel, malgré ses qualités, ne pourra en effet jamais permettre une bonne accessibilité vu la hauteur de ses plateformes (120 cm) par rapport aux quais (92 cm sauf dans Paris) des gares actuelles et futures (La Défense, La Folie,…). Son transfert sur le RER A voire B, après rénovation, parait la meilleure solution.

Financement :

Ce projet nécessite de réunir des fonds importants (sûrement plus de 3 milliards d’Euros en incluant le matériel roulant et la signalisation). Au delà des engagements appréciables des collectivités dans le cadre du plan de mobilisation pour les transports, l’Etat doit confirmer son implication financière et ne pas se décharger sur l’EPADESA. Celui-ci porte certes la responsabilité de la saturation actuelle, mais ne peut l’assumer financièrement sans pratiquer une fuite en avant, c’est à dire la vente accélérée des « droits à bâtir » de nouvelles tours de bureau, préjudiciable à tous.

Conclusion

Nous n’aurions pas préconisé la construction d’une nouvelle ligne est-ouest ex-nihilo parce que tout en déchargeant plus ou moins la ligne actuelle du RER A, elle aurait favorisé l’étalement urbain, l’urbanisation des espaces naturels et de respiration de l’ouest parisien. Elle aurait incité à habiter toujours plus loin et donc à y multiplier les déplacements.
Tout autre est le projet présenté : il s’agit de la modernisation de l’exploitation de la ligne existante Paris – Mantes, accompagnée de la construction du prolongement de la ligne RER E vers La Défense. Ces renforcements, doublements et améliorations de desserte au sein de zones déjà urbanisées – la boucle des Hauts de Seine et Seine aval – vont faciliter et fiabiliser le service assuré, réduire les surcharges constatées aujourd’hui jusqu’au coeur de Paris et attirer de nouveaux usagers. Nombreux sont en effet les habitants et utilisateurs qui vivent et travaillent sur cet axe majeur de l’Ile de France et utilisent leur voiture à cause de la qualité insuffisante du service rendu aujourd’hui.

L’AUT mentionne dans ce cahier d’acteur quelques unes des conditions qui lui paraissent indispensables à la réussite du projet. Il faut y ajouter l’enjeu de la tenue du calendrier. Une réalisation en 2020 parait déjà bien lointaine. La date reste cependant ambitieuse si on la rapproche par exemple du délai mis pour la réalisation de la tangentielle nord dont la mise en service complète est annoncée pour 2018 alors que le projet a été initié en 2000.
L’AUT maintiendra la plus grande vigilance sur la tenue des délais.

Pour en savoir plus :

 Consultez l’ensemble du projet et donnez votre avis sur le site du débat public.

 Consultez le cahier d’acteurs de l’AUT mis en page par la CPDP : ca-12.pdf