Voici l’avis que nous avons remis pour la concertation sur le projet d’aménagement de la gare du Nord qui a eu lieu en mars / avril 2019.

Rappel du contexte et des objectifs du projet
La Gare du Nord, plus petite des « grandes gares » parisiennes en superficie, est la plus importante d’Europe par le flux de voyageurs quotidiens : 700 000 provenant des RER B, D, E, des métros M2, M4 et M5, des Transilien, TER, trains Grandes Lignes, Thalys, Eurostar et de la gare routière RATP (6 lignes en terminus et 4 lignes en passage).
SNCF prévoit un trafic de 900 000 voyageurs (+30%) en 2030, compte tenu de l’apport du RER E prolongé à l’ouest.
Le projet Gare du Nord 2024 est annoncé comme devant « transformer la gare pour accueillir les voyageurs de demain » en offrant « un fonctionnement optimal, plus fluide et plus pratique … pour les voyageurs et visiteurs de la gare » et « améliorer l’offre de service en gare ».
Pour ce faire, SNCF Gares et Connexions a lancé un appel à projet en 2017.
En juillet 2018, le projet présenté par Ceetrus (Immochan) a été choisi.

Début 2019, la Semop a été créée pour concrétiser ce projet puis l’exploiter pendant 46 ans, Ceetrus en détenant 66%, SNCF 34%.
Notre association a oeuvré pour la tenue de cette concertation compte tenu de l’ampleur du projet (600M€) pour la gare elle-même et pour le quartier, à terme et en phase travaux.

Voir le site officiel du projet pour plus de détails.

Situation actuelle
En 2014, selon les chiffres fournis, 60% des usagers de la gare SNCF (y compris les RER) provenaient de ou se dirigeaient vers les RER, 20% le Transilien, 20% les Grandes Lignes (y compris Thalys et Eurostar).
L’extrémité sud-est de la gare concentre 75% de l’ensemble des flux.
80% des voyageurs sont des « voyageurs du quotidien ».
60% sont des usagers des RER B et D (gare souterraine).

Les principaux éléments du projet
Le projet consiste essentiellement à construire un bâtiment R+5 en lieu et place de la rampe de sortie de la gare routière et du bâtiment/verrière (fin des années 90) existant à l’angle sud-est de la gare.
Ce bâtiment abritera :

  • Un niveau départ Grandes Lignes (y compris Thalys), au premier étage
  • Quatre niveaux de commerces, services, coworking, salle de spectacle
  • L’étage supérieur végétalisé
    Pour ce qui est des aspects purement transports et mobilités :
  • Les départs Grandes Lignes (y compris Thalys) s’effectueront désormais par le niveau 01 du nouveau bâtiment, et non plus directement depuis le quai transversal, puis par des passerelles au-dessus des voies.
  • Les circulations verticales entre les niveaux S02, S01 (les quais des RER se situent au S03) et la surface doivent être améliorées
  • Les départs Eurostar seront transformés par l’incorporation de la circulation/passerelle actuelle dans le bâtiment historique (disparition de la passerelle actuelle)

Les accès à la gare/ L’insertion dans la Ville
Existent, pour les piétons, depuis la voirie :

  • Le tunnel Maubeuge qui permet, depuis la rue du même nom, d’accéder à la salle d’échange souterraine RER-Métro et aux quais Grandes Lignes (sauf Thalys et Eurostar)
  • Un accès sur la façade ouest (cour des taxis)
  • L’accès principal par le parvis rue de Dunkerque
  • Un accès, confidentiel car très mal signalé, depuis le 181 rue du Faubourg Saint Denis, commun avec celui de la gare routière.

Gare du Nord 2024 ne prévoit aucune modification notable de ces différents accès.
Ainsi, la gare resterait totalement tournée vers le sud, l’activité et les flux se trouvant même renforcés à son angle sud-est. Les quartiers nord de la gare demeureraient totalement ignorés.
Nous le déplorons, comme les nombreux riverains qui l’ont exprimé pendant la concertation.
En résumé, « créer un véritable lieu de vie ouvert sur la ville », « faire entrer la ville dans la gare » ne se concrétiseront pas, les accès à ce considérable pôle multimodal n’étant en rien améliorés. Nous le regrettons, particulièrement depuis et vers les quartiers nord, qui méritent de nouveaux accès vers le boulevard de la Chapelle. Nous attendons des propositions.
La réalisation de la liaison avec la Gare de l’Est est urgente, s’accompagnant de l’amélioration de l’accès à la gare par la rue du faubourg Saint Denis.

Les liens avec les différents modes de transport
Avec métro et RER :

  • D’une part, avec les lignes M4, M5, RER B et D, par les circulations verticales.
  • Avec le RER E (Magenta), qui sera prolongé à l’ouest dans les toutes prochaines années.
  • D’autre part, avec la ligne M2 La Chapelle, par un long souterrain

Les circulations verticales entre les niveaux S02 (salle d’échange RER), S01 (métro) et les niveaux supérieurs sont prévues être améliorées (escalators, ascenseurs). Malheureusement, nous ne connaissons pas la consistance de ces améliorations et ne pouvons donc émettre un avis sur ce point.
Nous déplorons l’absence de toute amélioration avec les quais RER B et D (S03), en nombre de circulations verticales mais également l’absence persistante d’accès côté nord des quais. Ce point doit être revu. SNCF et Semop, dont la SNCF est partie prenante, doivent y travailler de concert et faire des propositions.
Le seul accès souterrain existant avec M2, depuis la station La Chapelle, très fréquenté, mérite son agrandissement, sa requalification, une nette amélioration de son environnement.

Avec les bus :

  • La gare routière va être totalement reconfigurée. Nul ne regrettera la gare actuelle.
  • Les plans publiés ne nous permettent pas de porter un jugement détaillé. Il est souhaitable que tous les cheminements piétons soient abrités des intempéries, ce qui ne semble pas être le cas sur le projet actuel, en particulier pour les voyageurs arrivant par bus.
  • La sécurité des usagers doit être garantie lors de la traversée des voies bus.
  • Des places d’attente assises doivent être prévues en nombre suffisant.
  • Comme évoqué précédemment, la liaison piétonne avec la rue du faubourg Saint Denis doit être nettement améliorée, entre autres sa signalétique, quasi inexistante aujourd’hui
  • La rampe de sortie actuelle des bus vers la rue de Dunkerque devant être démolie, le futur accès (entrée et sortie) des bus est très préoccupant compte tenu du trafic observé rue du faubourg Saint Denis (embouteillages quasi permanents). Le minimum est de pourvoir cet accès de feux rouges donnant la priorité aux bus. L’élargissement de cet accès serait également le bienvenu.
  • Dans tous les cas, cette future gare routière ne doit être réalisée sans accord préalable d’IdFM, de la RATP, de la Ville, des usagers.

Avec les taxis, VTC, véhicules particuliers, deux-roues motorisés (2RM), vélos :

  • Seule la vélostation figure au projet ! C’est un point positif, même si le nombre de places doit être revu à la hausse et si une seconde vélostation est souhaitée au nord de la gare. Ces vélostations seraient ainsi liées au réseau REVe (et à la promenade urbaine du boulevard de la Chapelle).

Les aménagements extérieurs sont du ressort de la Ville. Il est très regrettable que leur étude n’ait pas été menée parallèlement au projet Gare du Nord 2024.
Nous émettons les souhaits suivants :

  • Des arrêts bus doivent être prévus devant la gare, rue de Dunkerque. En effet, il n’est pas envisageable que les voyageurs, arrivant par les grandes lignes sur le quai transversal, aient à traverser la gare avec bagages, jusqu’à la gare routière.
  • Une dépose taxis, VTC, véhicules particuliers doit être prévue à proximité du coin sud-est de la gare, tous les départs voyageurs s’effectuant dans cette zone.
  • Le départ taxis est bien situé à l’ouest de la gare, à proximité des arrivées grandes lignes. Un départ VTC doit être clairement implanté.
  • Le stationnement actuel des 2RM, anarchique et envahissant devant la gare, ne peut plus être toléré. Une solution doit être recherchée, dans toute la mesure du possible en sous-sol.

Les parcours voyageurs
Nous avons déjà évoqué les cheminements depuis et vers les RER B et D (accès S03), le métro M2, la gare routière, la Gare de l’Est, tous à améliorer concomitamment avec ce projet Gare du Nord 2024.
Le prolongement, dans les prochaines années, du RER E (Eole) vers l’ouest va encore accroitre les flux de voyageurs du quotidien.
Dans ces conditions, concentrer davantage tous les flux voyageurs dans cet angle sud-est de la gare, en y faisant venir les départs grandes lignes, nous semble une mauvaise idée. De plus, le temps d’accès aux trains grandes lignes s’en trouvera allongé, comme indiqué dans le dossier de concertation (« ….alerter les voyageurs sur les délais supplémentaires pour rejoindre leur train…. »).
Le quai transversal, réservé aux seules arrivées grandes lignes, apparaitra alors, comparativement, vide.

La motivation avancée (encombrement actuel du quai transversal) de cette nouvelle organisation est donc peu convaincante. Elle aura surtout le mérite d’attirer davantage les voyageurs vers les commerces….
En conséquence, nous émettons un certain nombre de remarques, d’interrogations et de souhaits :

  • Pour tous les voyageurs TER, Grandes Lignes et Thalys, le parcours et le temps d’accès au train sera fortement accru, particulièrement pour ceux arrivant à la gare par l’ouest et la rue de Maubeuge : façade ouest + quai transversal + montée au niveau 1 + passerelle d’accès au quai + parcours sur le quai (éventuellement vers le quai transversal !). C’est tout à fait regrettable, particulièrement pour des voyageurs avec bagages ou PMR.
  • En conséquence, nous demandons que l’accès (et la sortie) aux Grandes Lignes et TER soit possible depuis le souterrain Maubeuge.
  • A défaut d’informations plus précises, la surface d’attente, au niveau N01, en particulier pour les départs Thalys, nous semble insuffisante
  • 320 places assises d’attente ont été annoncées. Où seront-elles situées ?
  • Les salons Grand Voyageur et Thalys seraient situés au N03, (deux étages plus haut !), plus proches des commerces, mais éloignés des passerelles de départ ! Ils doivent être implantés à ce niveau N01.
  • L’accès à la passerelle 1 nous semble relativement restreint et doit être davantage ouvert.
  • L’accès au Thalys se fera uniquement par la passerelle 3, qui plus est par la seule descente nord au quai. C’est insuffisant pour le nombre de voyageurs d’un Thalys. De plus, sur les derniers plans projetés, contrairement aux précédents, les passerelles 1 et 2 n’atteindraient pas les quais Thalys. Ce point doit être revu. En effet, en cas de dysfonctionnement de la passerelle 3, de maintenance, de travaux, aucune solution de repli n’existerait. De plus, on ne peut présager les éventuelles modifications du contrôle des accès aux trains dans les années et décennies à venir.
  • La signalétique des parcours voyageurs doit être particulièrement soignée (fond et forme). Il est à la mode de parler « digitalisation », reportant ainsi sur chaque individu le devoir d’aller chercher l’information sur son smartphone. Les outils numériques (smartphones) doivent être considérés comme un complément à la signalétique physique, et non l’inverse. Surtout pour des voyageurs avec bagages…..

En l’état actuel du projet, nous n’avons pas de remarques particulières à formuler sur l’accès Eurostar, la disparition de la passerelle actuelle étant positive. Le point d’attention essentiel est son bon dimensionnement.

Services aux voyageurs
N’oublions pas que la Gare du Nord est…..une gare. Nous demandons :

  • Comme écrit ci-dessus, une signalétique particulièrement étudiée, par des concepteurs se mettant à la place du voyageur, sur le terrain. Trop souvent, dans les grands pôles multimodaux (ex : Chatelet les Halles), cette signalétique s’avère, à l’usage, défaillante (Directions importantes non signalées, interruption dans le jalonnement d’un parcours). La taille et la couleur des polices de caractère sont des éléments importants. Dans une gare
  • internationale, les informations doivent être indiquées en plusieurs langues (français, anglais, allemand). Les usagers doivent être consultés avant déploiement.
  • Dans une gare, ne pas oublier des horloges.
  • Le dossier projet, tel que présenté à ce jour, ne permet pas d’identifier précisément l’emplacement et le nombre des points d’information, de renseignement, de délivrance des billets, qu’il s’agisse de guichets (personnel nécessaire, particulièrement pour les voyageurs Grandes Lignes dans une gare internationale) ou de distributeurs.
  • Des toilettes publiques, suffisamment nombreuses, aux différents niveaux, sont indispensables.
  • Les lignes de validation vers les différents modes doivent être largement dimensionnées.

Phase travaux
Le chantier de ce projet doit se dérouler de 2020 à 2024.
Pendant la même période, se dérouleront d’importants travaux de régénération sur le faisceau SNCF nord ainsi que pour le CdG express.
Les perturbations pour les usagers de la gare et les riverains sont inévitables. Elles doivent être minimisées au mieux. SNCF, partie prenante dans tous ces chantiers, et Semop se doivent d’y veiller particulièrement. C’est une priorité pour un chantier aussi lourd et long, sur un pôle multimodal de cette importance, en milieu urbain dense.
Quatre zones principales seront impactées :

  • La gare banlieue niveau N00, pour les Transilien, et les circulations avec bus, métro et RER. Un platelage « étanche » (sécurité et poussière) doit être posé au plafond de cette zone. Il doit vraiment permettre une circulation des voyageurs en toute sécurité, dans un milieu le moins bruyant et poussiéreux possible.
  • La construction des passerelles au-dessus des voies. Elle se ferait par fermeture d’un quai (et donc de voie(s) latérale(s) ?). Le « lancement » des passerelles proprement dites se ferait de nuit. Les conséquences sur la circulation des trains seraient nulles. Nous en doutons et souhaitons avoir des engagements de la SNCF sur ce point. Il faudra veiller, en particulier, à une bonne restitution des voies pour le début du service.
  • Les fondations du nouveau bâtiment. Situées à la verticale du tunnel des RER B et D, tout accident de chantier est scrupuleusement à éviter, ayant potentiellement des conséquences extrêmement graves sur la circulation des deux RER (Cf. RER A Porte Maillot). Pour nous rassurer, il a été dit par la Semop que tout risque de ce type est exclu, le futur bâtiment reposant sur les fondations des structures actuelles. Nous aimerions en être convaincus par une confirmation écrite.
  • La gare routière va vivre deux phases travaux pendant lesquelles sa surface sera divisée par deux. Comment, dans ces conditions, le service bus pourra-t-il être satisfaisant ? Comment toutes les lignes y ayant leur terminus pourront-elles s’y loger ? Nous sommes inquiets et demandons des explications et des plans validés par RATP, IdFM et Ville de Paris.

Plus largement, le quartier connaitra simultanément d’autres chantiers importants : Hôpital Lariboisière et Boulevard de la Chapelle. On mesure les nuisances (encombrements, approvisionnement chantiers, bruit, poussière) pour les habitants du quartier et les conséquences pour tous les accès à la gare. Toutes les mesures doivent être prises pour les minimiser. Et des cheminements piétons et autres modes, très bien jalonnés et sécurisés, doivent être mis en place tout au long de ces chantiers.
Les mouvements de camions doivent être particulièrement organisés et coordonnés, la SNCF ayant refusé la voie ferrée pour l’approvisionnement du chantier. Nous le regrettons vivement.

Conclusion

Nous ne percevons pas les avantages que les usagers-clients des réseaux SNCF et RATP, ainsi que des taxis, VTC, etc, vont retirer de ce vaste projet, proportionnellement à son ampleur.
Une concertation permanente avec les usagers et les riverains est indispensable pendant les prochaines phases d’étude et pendant les travaux.

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